La gosse est ce moment où l'artisan est
en train de gosser son objet. Pensons à un bout de bois gossé par le couteau de
l’artisan, comme ce canard de Saint-Jean-Port-Joli, gossé dans le bois.
On dit d'une gosse irritante qu'elle est
gossante. Gossante, comme dans Ici
Radio-Canada Première, la plus gossante formule publicitaire jamais
produite à Radio-Canada. Cette gosse est le pendant du supplice de la goutte
d'eau, celle qui tombe sur le front et tape sur les nerfs à un rythme tellement
régulier qu’elle rend fou. Un mantra du pléonasme.
Ici,
Radio-Canada Première et Ici
Radio-Canada télé sont deux solutions marketing à un non-problème. De tout
temps, le mot Ici est utilisé à
Radio-Canada. Des millions de québécois ont grandi au son de Ici Radio-Canada. Durant toutes ces
années, tout a baigné. En fait, tout allait probablement trop bien, il fallait
créer un problème, dire au public ce qu’il sait déjà.
Dans un premier temps, dire au public
qui regarde la télé qu’il regarde la télé. D’où Ici Radio-Canada télé. Je regarde donc la télé de Radio-Canada et
je me fais dire que je regarde la télé, Ici
Radio-Canada télé. C’est comme si j’écrivais un texte écrit qui serait lu
par des lecteurs qui lisent. C’est le pléonasme qui redonde dans le même sens.
Ensuite, dire au public qu’il est ici.
Imaginez-vous Radio-Canada disant Là
Radio-Canada télé ? Les marketeurs ont donc compris qu’il fallait dire
aux gens qu’ils sont ici. Depuis 1936, nous nous faisons dire Ici Radio-Canada. Faut-il écrire en plus
dans mon écran de télé que je suis ici, à la télé ? Ici...Radio-Canada...télé ?
À la radio, c’est plus compliqué. On ne
dit pas aux auditeurs de la radio qu’ils sont à la radio. On ne dit pas Ici Radio-Canada radio. On leur dit
qu’ils sont à Première, Ici Radio-Canada
Première. Ouate de phoque, Première? Première quoi ? Première de quoi
? Silence radio. Il n’y a pas longtemps, la formule était si simple : Ici la première chaîne de Radio-Canada.
On écoutait la première chaîne, une très belle gosse d’ici.
Vous arrive-t-il d’appeler quelqu’un au
téléphone et de lui dire Allo c’est
moi ? C’est exactement ça. Qui d’autre que moi peut appeler, moi étant chacun chacune d’entre nous ? Ce
n’est rien de grave, Allo c’est moi
est le genre de petit pléonasme sucré du quotidien. La prochaine fois, essayez Allo c’est il, juste pour le fun. C’est comme si, au lieu de Ici Radio-Canada Première, on disait Ailleurs, Radio-Canada Dernière. Ce
serait déjà plus original et moins gossant.
- - Il y a quelques jours, je pense que c’était à Ici Radio-Canada Première, le gars
parlait de...
- - C’était pas plutôt à Ici
Radio-Canada Télé ?
- - Hmmm, le gars parlait de...
- - Ah oui, c’était à TVA.
Ils doivent se bidonner les gars de la
ruelle TVA, avec leurs trois lettres simples, de voir les cravatés du
collège classique se gosser le bec en cul de poule avec leurs noms à pentures.
En rédaction, les mots que je coupe,
ceux dont je n’ai pas besoin, laissent plus de force à ceux qui restent. Une
fois bien coupé, un texte prend son rythme, c’est de la musique. Mais pour
cela, il faut couper jusqu’au dernier mot. Ici
Radio-Canada Première me gosse parce que l’expression est mal gossée,
justement. Le travail est bâclé, on a rangé trop rapidement les ciseaux. Il
reste un mot à couper. Cela donne Ici
Radio-Canada. C’est simple, c’est juste 77 ans d’histoire, il n’y a rien à
ajouter. Pour le reste, le public est assez grand pour savoir s’il
regarde la télé ou s’il écoute la radio.
Cela s’appelle l’intelligence.
Cette semaine, je me familiarisais avec mon nouveau récepteur télé (Bell) et j'ai du chercher la chaîne télé française de radio-canada pendant un bon 15 minutes. Fini le logo "Pizza" si familier que les chaînes anglaises continient d'utiliser ... il fallait chercher le logo ICIMH. Je suis d'accord avec vous, c'est une idée stupide et si le responsable a trop d'orgeuil pour l'avouer alors il y a un grand patron qui ne fait pas son travail ...
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